Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
5 mai 2012 6 05 /05 /mai /2012 17:43

Dans le Traité politique, Spinoza se fixe pour objectif de définir les moyens d’organiser  un Etat qui préserve les libertés publiques en prenant en compte les qualités des hommes tels qu’ils sont. En effet, nombre de philosophes qui ont abordé la question politique déplorent les affections et les passions qui agitent les hommes, les empêchant de se comporter selon les règles de la raison. Spinoza en revanche, après l’étude qui l’a conduit à rédiger son Ethique, a bien compris qu’il est vain d’attendre que la grande masse des hommes suivent les préceptes de la raison et qu’il faut donc faire la part des passions dans la construction d’un régime politique acceptable.

Spinoza reprend à son compte l’idée de son contemporain Thomas Hobbes selon laquelle, à l’état de nature – état tout théorique -, les hommes vivent en situation de guerre de chacun contre tous, mus par la haine, l’envie, la colère et l’orgueil, sans moyens d’assurer leur sécurité. A la différence de la plupart des philosophes de son temps, Spinoza considère ces passions « non comme des vices, mais comme des propriétés de la nature humaine », et il connaît la difficulté que peut éprouver chaque homme à agir de façon raisonnable. Aussi pense-t-il qu’un système politique bâti en vue d’amener les hommes à se comporter en tout point conformément aux exigences de la raison est inapplicable et utopique.

Il comprit cependant qu’en raison de la guerre permanente qui sévit nécessairement à l’état de nature, les hommes inclinent spontanément vers la vie en société et donc vers un Etat qui régisse les rapports entre eux et garantisse leur sécurité. Ainsi, les hommes qui disposent des droits de la nature, c’est-à-dire de la puissance que la nature a attribuée à chacun d’eux, sont libres de les utiliser. Néanmoins, leur conduite commune guidée par le seul désir est capable de tendre vers une forme de vie sociale. En effet, plus que tout, leurs désirs les incitent à vouloir se conserver et le meilleur moyen d’y parvenir est d’instituer une vie sociale. Or une telle institution ne peut être conçue que par un esprit raisonnable. L’homme soumis aux passions reste donc capable d’user de la raison en vue de sa propre conservation. Une telle démarche est fondamentale car, par l’institution d’une sociabilité, la grande masse des hommes va nécessairement aliéner une partie de ses désirs, et par conséquent de sa liberté, en acceptant de se soumettre au pouvoir d’un autre. L’homme apparaît bien accessible à la raison tout en étant soumis aux passions. Pour Spinoza, la puissance de l’homme se mesure plus à la force de l’âme qu’à la puissance du corps. Il considère que l’homme qui vit sous la conduite de la raison est libre car il agit en fonction de causes que sa raison lui permet de comprendre.

Il reste à Spinoza à montrer comment concilier la vie en société et les libertés publiques. Il procède à une étude des différents types d’Etat, sans passer par la phase du contrat social, à l’inverse de Hobbes ou Rousseau. Il conserve cependant la thèse que dans l’Etat monarchique l’individu a d’autant moins de droits que le souverain, qui cumule entre ses mains la somme de la puissance de la cité, en concentre davantage. Cependant ce même individu qui aliène la plus grande partie de son droit bénéficie de l’état civil, qui compense largement l’abandon de puissance personnelle qu’il opère, à condition que le souverain ne soit pas un tyran, et il est capable de comprendre qu’il a tout intérêt à respecter les lois de la cité.

Spinoza démontre que dans l’Etat monarchique, le souverain ne peut assumer seul toutes les responsabilités : il est obligé de s’entourer d’un conseil dont le mode de sélection est d’une importance capitale et d’accorder aux citoyens des libertés publiques suffisantes pour n’être pas lui-même menacé. De même dans l’Etat aristocratique, Spinoza prévoit tout un système de partage des pouvoirs entre différentes assemblées et comités, avec une rotation régulière des fonctions, des limites d’âge instituées, l’interdiction de certains cumuls et, surtout, des charges héréditaires.

Le régime démocratique n’a pu être spécifié en raison du décès précoce de l’auteur, alors qu’il emportait certainement la préférence de Spinoza, tellement attaché à la défense des libertés. Ce soin aura été laissé à Rousseau essentiellement, qui inventa le concept de volonté générale. Il reste néanmoins un point sur lequel Spinoza ne précédait pas l’opinion commune de son époque : il s’agit de l’égalité entre les femmes et les hommes.

 

A lire également :       Hobbes et Rousseau

                                    Du Contrat social – Jean-Jacques Rousseau

                                     Traité de la réforme de l’entendement – Spinoza

                                     Correspondance entre Guillaume de Blyenbergh et Spinoza

                                     Traité théologico-politique – Baruch Spinoza

Partager cet article
Repost0

commentaires