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4 décembre 2012 2 04 /12 /décembre /2012 21:55

François Joseph 1er devint empereur d’Autriche, sur fond de révolution, fin 1848. Son intronisation eut lieu à Olmütz (Olomouc) en Moravie. Sa première mission fut de mater la révolution, d’abord en Hongrie, puis en Italie, avant de penser à se marier.

Son Empire était alors à son apogée. Les guerres et les révoltes qui y éclatèrent durant son règne le minèrent au fil du temps. A la fin des années 1850, c’est de nouveau en Italie que la guerre gronda, avec le soutien de l’armée française aux insurgés. François Joseph était à la manœuvre à la bataille de Solferino en 1859. Cet événement marque le point de départ du roman de Joseph Roth lors de l’intervention du sous-lieutenant Trotta, qui plaque l’empereur à terre au milieu de la bataille et reçoit la balle destinée à ce dernier dans l’épaule. Cet acte d’héroïsme valut à Trotta le grade de capitaine ainsi que le titre de baron Trotta von Sipolje, du nom de son village natal en Slovénie. Sa promotion masquant l’abominable tuerie de cette bataille et la sévère défaite subie par l’Autriche fut vécue par le nouveau capitaine comme une fatalité, qui se reportera sur ses descendants pendant deux générations.

Le baron Trotta von Sipolje, indigné de découvrir le travestissement de son acte d’héroïsme dans un livre d’histoire destiné à l’éducation des enfants, quitta l’armée et empêcha son fils d’y faire carrière, le poussant dans la voie administrative. A partir de là, le destin de la famille suit le déclin de l’Empire. Les défaites se succèdent, l’Empire s’amenuise, au même rythme que Trotta fils se confine dans la routine de sa fonction de préfet, nommé en Moravie, où chaque dimanche, la musique militaire locale joue avec bravoure la Marche de Radetzky de Johann Strauss. Le préfet, par esprit de revanche sur son destin, incita son fils, le jeune Charles-Joseph Trotta, à entamer une carrière militaire dans la cavalerie, où ce dernier, qui n’aimait pas l’équitation, se rongeait.

Joseph Roth présente tous ces faits sur un ton neutre, teinté d’une froide ironie. Il montre le déclin de la famille en parallèle aux difficultés de l’Empire. L’esprit routinier du préfet dégénère en totale passivité chez le jeune lieutenant. En permission chez son père, lorsqu’il rend visite à un ami de la famille, le maréchal des logis Slama, le jeune Charles-Joseph se laisse séduire par la jeune femme de ce dernier, sans résistance et sans aucune énergie de sa part. Incapable d’initiative, il se laisse mener en toute circonstance, ce caractère reproduisant dans la sphère privée le conservatisme observé à la tête de l’Empire.

Quittant la cavalerie à la mort de son unique ami au cours d’un duel, il est nommé dans l’infanterie en Ukraine, aux confins de l’Empire, où il reste très solitaire, noyant son ennui dans l’alcool et se laissant de nouveau séduire par une femme moins jeune cette fois. Il s’endette pour aider ses compagnons joueurs. Au cours d’une grève, placé à la tête d’un contingent destiné à intimider les manifestants, il se laisse conduire à ordonner aux soldats de tirer, et finit par obtenir son congé de l’armée peu avant l’assassinat du Prince-héritier à Sarajevo. L'annonce de ce crime est le prétexte à la fragmentation des diverses nationalités de l’Empire au sein même  du régiment, les Hongrois se lançant dans des diatribes hostiles, indécentes dans ces circonstances.

Ainsi, par petites touches, Joseph Roth scelle le destin de ses personnages en parallèle de la déconfiture progressive de l’Empire et s’amuse à réunir dans d’improbables rencontres le préfet Trotta et l’empereur François Joseph, qui se ressemblent un peu comme des sosies. Dans un tel univers, la lucidité n’est prêtée qu’à un riche aventurier qui dévoile le futur sans être jamais pris très au sérieux.

 

 

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