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7 décembre 2010 2 07 /12 /décembre /2010 13:40

D'abord résidence d'été des tsarines, cette localité, englobée à Saint Pétersbourg, devint le domicile d'élection du dernier Tsar, dans le palais Alexandre, cadeau de Catherine II à son petit-fils. Pour nous y rendre, nous embarquâmes dans une marchroutka face à la station de métro Moskovskaïa. Ce minibus nous transporta, à travers des faubourgs ternes et un début de campagne, à côté de l'entrée du parc Catherine. La merveille du lieu est bien le palais Catherine, restauré à neuf dans sa longue façade baroque bleue, blanche et dorée. Le parc, à la française devant la façade, à l'anglaise en contrebas, présente des parterres rougeâtres avec des motifs gris devant les rangées d'arbres alignés et les canaux, ainsi qu'une multitude de statues et monuments inspirés de la Turquie, pour célébrer la victoire contre l'Empire Ottoman, et de l'Italie, en hommage aux architectes et artistes invités à construire le domaine, autour d'un étang ou dans ses îlots. 

Tout cet ensemble est le pendant du faste du Palais d'Hiver à la campagne. Le domaine Alexandre en revanche, parc et palais, qui jouxte le parc Catherine, n'a pas encore bénéficié d'une rénovation, et ses longues allées droites délimitent des pelouses aux hautes herbes qui aboutissent, à travers des arbres non taillés, à la grille qui ferme l'accès au palais délabré. Parmi les bâtiments annexes, l'ancien lycée impérial où Pouchkine fit ses études motiva le choix du nouveau nom donné à ce faubourg.

 

*** 

 

Ainsi Saint Pétersbourg, ville impériale, fruit d'une volonté politique défiant la rationalité géographique, demeure-t-elle un joyau incomparable, qui compense par sa splendeur les défis de sa situation et de son climat. Seule une ambition perpétuellement renouvelée peut lui permettre de maintenir son statut dans la compétition du monde post-moderne. Elle s'y emploie avec ardeur en mettant en avant les fastes de son artificielle beauté, soulignés par les variations extrêmes des saisons.

Cela ne doit pas occulter son aspect obscur, aujourd'hui personnifié par les bandes qui agressent les visiteurs, ni les contradictions qui ont marqué sa fondation de port pris par les glaces quatre mois par an, de capitale située à la marge d'un empire démesuré ou de cité d'aristocrates, de soldats et d'artistes totalement coupés des nécessités économiques.

La déchéance de son statut de capitale lui a fait perdre l'essentiel de sa raison d'être en 1918. Il reste à lui inventer un nouvel avenir : vaste programme.

 

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4 décembre 2010 6 04 /12 /décembre /2010 10:43

A la Forteresse Pierre et Paul nous n'avons pu accéder aux bastions dans lesquels on enfermait les prisonniers - dont Dostoïevski -, pour cause de travaux. On pénètre dans la forteresse par l'un des deux petits ponts à partir de Kronverkskaïa nab., à Petrogradskaïa, vaste quartier situé sur l'une des îles. Pour notre part nous avons emprunté celui qui est situé à l'ouest et traversé la courtine Saint Nicolas. A l'intérieur, les nombreux bâtiments et les pelouses font un peu oublier les formidables bastions, qui n'eurent jamais à affronter la moindre attaque. La cathédrale Pierre-et-Paul, perle au milieu de la forteresse, détonne dans cet univers carcéral et militaire. Sa haute flèche dorée attire le regard, avant qu'il se reporte vers le dôme qui surplombe le choeur. L'intérieur éclairé par de hautes fenêtres se distingue de la tradition des églises byzantines par un décor baroque de marbre rose et vert, enluminé par les dorures de la chaire et de la porte sainte de l'iconostase. La cathédrale est la nécropole des tsars et de leur famille à partir de Pierre le Grand : un grand nombre de tombeaux très sobres, en marbre blanc, sans statues par respect d'une étonnante règle de l'église orthodoxe, également appliquée à la cathédrale de l'Archange Saint Michel au Kremlin, sont alignés dans la nef.

La perspective Kamennoostrovski à Petrogradskaïa, face à la forteresse, aligne la plus grande concentration d'immeubles Art Nouveau de Saint Pétersbourg. Ce n'est pas l'exubérance de Riga, mais l'hôtel particulier de Kchessinskaïa, où résida Lénine au retour de son exil en occident, la curieuse mosquée et les nombreux immeubles qui bordent l'artère jusqu'à la place Tolstoï enrichissent ce quartier autrefois peuplé d'artistes, d'intellectuels et de dirigeants bolchéviques, comme Kirov, jusqu'aux purges staliniennes.

Derrière la place des Arts, le poumon du centre-ville de Saint Pétersbourg s'étend jusqu'à la Néva. Le plus agréable est le jardin Mikhaïlovski, à côté du château du même nom, qui servit d'école aux futurs ingénieurs militaires au XIXème siècle, ce qui valut à Dostoïevski d'y être pensionnaire. Le kiosque à musique du jardin sert de point de ralliement aux couples de jeunes mariés en quête de photos romantiques. Pour le Jardin d'Eté en revanche, il nous faudra revenir dans un an, après la fin annoncée des travaux d'entretien.

Retour à Vladimirski prospekt, où l'église Notre Dame de Vladimir, paroisse de Dostoïevski, très fréquentée par les fidèles à l'office du matin, résonne de choeurs superbes. L'atmosphère de ces églises orthodoxes est très différente de celle des églises catholiques : il n'y a pas de sièges ; pendant l'office, qui dure très longtemps, les fidèles bougent, certains s'agenouillent sur le sol lorsque le prêtre prêche à hauteur des fidèles, des femmes vont baiser les icônes protégées par des vitres régulièrement essuyées en dehors des offices, et surtout les gens chantent, et il est difficile de rester insensible à la beauté de ces chants. A côté de l'église, un grand marché couvert attire une multitude de petits vendeurs de fruits et légumes sur les trottoirs avoisinants, en même temps qu'une nombreuse clientèle locale. Dostoïevski est honoré dans un petit musée installé dans son dernier appartement, où son intérieur a été reconstitué. En sortant, nous suivîmes ses pas le long de la Fontanka et du canal Griboïedov, en traversant Sennaïa pl., ancienne cour des miracles reconvertie en centre commercial bordé d'immeubles de bureaux et enrichie d'une colonne en marbre cannelée en son centre. La foule y est toujours bigarrée.

Les maisons attribuées respectivement à Raskolnikov et à la vieille usurière de Crime et Châtiment sont très éloignées de l'image de havres de misère que l'atmosphère du roman suggère, même si elles appartiennent au Saint Pétersbourg du peuple : façades défraichies et cour sombre ne les désignent pas nécessairement comme coupe-gorge.  

Bien au contraire, l'ensemble de ce quartier humanise la ville par la succession d'immeubles ordinaires dans des rues sans prétention, ou le long des canaux, dont le charme surpasse celui du canal Saint Martin à Paris, surtout à l'approche de Saint Nicolas des Marins, au pont Pikalov, à la croisée des voies d'eau. 


 

Pont Lomonossov

 

 

 

Articles sur Dostoëvski : Le Double – Dostoïevski

                                                     L'irruption de Dostoïevski

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2 décembre 2010 4 02 /12 /décembre /2010 21:01

Depuis la galerie du dôme de la cathédrale Saint Isaac, les toits de Saint Pétersbourg offrent une vision inattendue de chantiers surmontés de grues. De grandes plages de verdure agrémentent le paysage en deçà de la Neva et de ses îles ou au pied de la cathédrale. Une fois redescendus, le cours fluctuant de la Moïka nous conduisit au pont des Baisers et à la Nouvelle Hollande, où la jonction de plusieurs canaux délimite une île, avant que nous allions embarquer sur le quai de la Neva, devant la place des Décembristes, pour une promenade en boucle sur le fleuve et la Fontanka. Incontestablement l'un des moyens les plus agréables d'appréhender la ville, n'était le haut-parleur criard de l'embarcation. Passer sous les ponts, longer les jardins et les palais, rejoindre l'embouchure de la Bolchaïa Neva dans le golfe de Finlande, y découvrir les chantiers navals, les grands vaisseaux amarrés et même deux sous-marins sagement rangés, contempler les remparts de la Forteresse Pierre et Paul : en une heure passée sous une alternance de nuages et de soleil, nous avions contourné le coeur de la ville.

Le Cavalier de Bronze sur la place des Décembristes tire son caractère romantique autant du rocher qui lui sert de socle, et que le cheval est censé venir d'escalader, que de la fougue du cheval ou de l'audace du cavalier. Se détachant sur la façade néo-classique du Sénat, il marque un puissant contraste par rapport à son environnement. 

Le Palais Ioussoupov vaut plus par le superbe décor de ses salons, de son escalier et de ses appartements que par la mise en scène de l'assassinat de Raspoutine. Dans le ravissant petit théâtre du palais, le concert de piano entièrement consacré à Chopin et le ballet, composé de cinq pièces en solo ou en duo, marquèrent une agréable soirée où le guide de la visite nous adressa un adieu en français. Le retour le soir le long de la Moïka aux eaux sombres, sous un ciel légèrement gris, était très romantique.

Le restaurant situé à côté de la maison natale de Nabokov : contraints de quitter la terrasse, mal protégée contre l'orage qui éclata, nous trouvâmes refuge à l'intérieur, dans un vaste appartement où, parmi d'autres clients, nous figurions les hôtes d'une habitation fantaisiste où la cuisine était presque aussi loufoque que le décor, et le service, assuré par des jeunes gens, aussi peu professionnel que possible, sans doute pour nous faire ressentir l'hospitalité décontractée d'une réception sans complexes.  

   

 

La Fontanka

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28 novembre 2010 7 28 /11 /novembre /2010 17:47

Exceptionnel musée d'accès difficile : en devançant l'ouverture d'une heure, nous étions bien placés, mais c'était sans compter sur la cohue et la foire d'empoigne provoquées par de nombreux visiteurs russes qui, dès le passage à travers la cour agrémentée de fontaines, cherchaient à dépasser tout le monde et obstruaient les caisses. A l'intérieur, la foule trop serrée et les nombreux groupes guidés empêchaient une visite sereine des salles de peinture. Nous n'avons guère profité que des premières salles consacrées aux impressionnistes avant l'invasion générale.

L'escalier d'honneur et les grandes salles d'apparat du Palais d'Hiver traduisent le goût de grandeur des tsars : marbres, dorures, colonnes, glaces, tableaux célébrant les victoires militaires de Pierre le Grand se succèdent dans une somptueuse inutilité, dont témoigne le vide de ces larges espaces, qui ne manquèrent pas toutefois de nous impressionner, avec une prédilection personnelle pour le grand escalier.  

 

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23 novembre 2010 2 23 /11 /novembre /2010 18:49

A notre retour de Serguiev Possad, un autre train nous attendait le soir, à la gare de Leningrad, pour nous transporter à Saint Pétersbourg : beau train bleu aux compartiments à quatre couchettes en deuxième classe, qui nous emmena à destination en sept heures et quarante cinq minutes, sans arrêt. Il en partait trois ou quatre par heure dans la soirée, avec une belle régularité.

En sortant de la gare de Moscou, vers sept heures du matin sur la perspective Nevski, en direction du centre de la ville, Saint Pétersbourg, avec ses larges avenues et ses lourds immeubles, nous parut froide. L'arrivée à notre hôtel au coin de la perspective Nevski et de la perspective Vladimir ne démentit pas cette impression : arrière-cour non ravalée, escalier non entretenu... Heureusement, la chambre dans ce mini-hôtel installé dans un ancien appartement communautaire était suffisamment vaste et confortable, et l'accueil plus chaleureux qu'à Moscou.

En fait, la froideur est liée à la majesté de la ville. Intégralement plate, construite sur des marécages, Saint Pétersbourg est, à l'image de Venise ou Amsterdam, une ville sur l'eau, bien que le réseau des canaux y soit moins dense. Mais c'est une ville moderne, fondée au XVIIIème siècle sur un plan d'urbanisme rigoureux, prévoyant de larges artères et définissant le type de maison de chaque classe sociale, avec une hauteur maximale fixée à celle du Palais d'hiver, hormis pour les clochers des églises ou la flèche de l'Amirauté. Cette flèche, fine aiguille dorée dressée au-dessus de l'horizontale des toits, est le centre géométrique de Saint Pétersbourg. Les principales artères y convergent et la flèche de la Cathédrale Pierre et Paul en marque le relais pour les îles du delta de la Néva.

Toutes ces avenues rectilignes, ces palais baroques ou néo-classiques, ces églises du XVIIIème siècle sont là pour nous faire oublier la vieille Russie et nous montrer l'appel de l'occident. Toute cette richesse et cette grandeur nous tiennent à distance et nous incitent à la retenue. Le cheminement dans la perspective Nevski avec ses ponts et ses monuments sublimes nous y confine, jusqu'à son apogée sur la Place du Palais, après le passage sous l'arc de l'Etat Major par la rue Bolchaïa Morskaïa.

Pour nous sentir pénétrer véritablement dans la ville, il faudra prendre les rues transversales, entrer dans les cours des immeubles comme nous le fîmes pour découvrir la résidence d'Anna Akhmatova et, de là, traverser un jardin et sortir par un porche obscur du Palais Cheremetev sur le quai de la Fontanka. Il nous faudra constater qu'en ce début de juillet la nuit ne tombe jamais complètement sur Saint Pétersbourg, que seule une pénombre crépusculaire vient brièvement assombrir, autour de minuit, l'étrange clarté de ces nuits blanches. Il faudra que nous suivions les berges des canaux à la recherche de nouveaux jardins et palais pour tomber sur les façades des immeubles délabrés dont les balcons se sont parfois effondrés. Alors nous commencerons à ressentir le mystère de cette ville d'exception et à nous approcher de sa vie intime, dans ses bistros, ses marchés ou ses magasins d'alimentation situés en contrebas du niveau de la chaussée. 

 

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20 novembre 2010 6 20 /11 /novembre /2010 09:21

Notre dernière journée moscovite fut consacrée à une excursion à Serguiev Possad, situé à quelque soixante-dix kilomètres de Moscou. Dans le train omnibus, les voyageurs sont assez serrés, par rangées de six de chaque côté de l'allée centrale, face à face. Le pittoresque du voyage tient aux multiples revendeurs qui circulent dans les wagons et vantent par une brève annonce leurs marchandises. Il y a de tout, des bouteilles d'eau ou des glaces aux encyclopédies, bandes dessinées, bougies, vêtements..., et parmi ces commerçants, une femme en costume traditionnel qui portait sur son épaule un pigeon attaché par une ficelle - et naturellement couverte des fientes du pigeon - qui, d'après ce que j'ai compris, tenait un discours religieux destiné à lui attirer les subsides des passagers. Ceux-ci, selon leurs intérêts, demandent à examiner les marchandises et se laissent parfois tenter. Cette coutume crée une atmosphère bien différente de la tension provoquée par nos mendiants ou musiciens qui font la manche dans le métro ou les trains de banlieue. Il s'établit une relation d'échange, sans pression ni contrainte. Des discussions s'engagent parfois, dont je perdais tout, naturellement.

Serguiev Possad a la réputation d'être la plus exceptionnelle Laure de Russie, c'est-à-dire l'une de ces forteresses religieuses chargées de rayonner sur tout un territoire. A Serguiev Possad officiait Saint Serge, le saint patron de la Russie, et ses restes y sont conservés. Cette Laure constitue donc l'un des premiers centres d'autorité de l'église orthodoxe russe. Construite au sommet d'une colline, elle se dresse comme un joyau dans un paysage d'exception, les bulbes dorés dominant les épais remparts blancs. C'est un lieu de pèlerinage où les fidèles vont porter des offrandes au tombeau de Saint Serge. C'est aussi le principal séminaire de Russie. Des mariages y sont célébrés, la foule afflue, les marchands, exclus du temple, se pressent autour des remparts. A l'intérieur, les prêtres, dans leur costume noir, tranchent sur la splendeur de l'ensemble.

La campagne autour de Moscou ressemble à l'image qu'on peut s'en faire : vaste plaine couverte de forêts de feuillus essentiellement, où le bouleau domine, aérées de clairières abritant de nombreuses datchas. Les Moscovites viennent s'y reposer en fin de semaine, échapper à l'intense animation de la ville, abreuvée nuit et jour d'un flot incessant de véhicules à la conduite rapide, source d'un bruit qui ne cesse jamais. Cette vitalité de Moscou, son agitation d'immense capitale vibrante impressionnent le visiteur et le fatiguent, rendant d'autant plus précieux le calme nocturne de la ruelle où nous logions. Dans une ville quadrillée d'avenues et de boulevards, la présence d'une petite artère fréquentée principalement par des piétons, à côté d'une place où jouent des musiciens amateurs le soir, face à la station de métro Novokuznietskaya, est un petit miracle.  

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18 novembre 2010 4 18 /11 /novembre /2010 20:18

La visite de la Galerie Tretiakov fut un grand moment de découverte de la peinture russe, du XVIIIème au XXème siècle, avec pour finir une salle consacrée aux icônes, avec plusieurs icônes d'Andreï Roublev. L'ensemble de la Galerie était passionnante et l'affluence raisonnable permettait une visite dans de bonnes conditions. Cette peinture russe est trop méconnue chez nous et c'était vraiment un enchantement de toute une matinée.

Après un repas au restaurant de la Galerie, nos pas nous conduisirent, à travers l'ïle délimitée par la Moskova et le canal de dérivation, vers la Cathédrale du Christ Sauveur, immense construction réalisée en près de cinquante ans au XIXème siècle pour célébrer la victoire sur Napoléon et détruite sur ordre de Staline pour être remplacée par un vaste palais des Soviets. Celui-ci ne vit jamais le jour et à la place une piscine fut creusée. La cathédrale fut reconstruite à l'identique à la fin des années 1990, en cinq ans seulement. C'est une colossale église à dômes, en marbre blanc, avec un décor polychrome à l'intérieur.

Le boulevard Gogol où les artistes exposent leurs oeuvres sur un terre-plein central nous mena vers l'Arbat, transformée en rue piétonne un peu conventionnelle, ce qui a certainement bouleversé son atmosphère d'artère aristocratique et artistique. Il est vrai que Novy Arbat à côté, percée dans les années 60 et bordée de tours en béton en forme de livres ouverts, est l'horreur absolue.

C'est dans l'Arbat que D. ressentit un fort malaise qui, malgré deux haltes dans des cafés ne put se calmer et nécessita l'appel de secours. Une camionnette dotée de la présence d'une jeune femme médecin arriva une demi-heure plus tard et nous emmena vers un hôpital assez lointain, où l'on nous conduisit dans une chambre à un étage élevé. Le médecin de jour diagnostiqua un trouble gastrique dû à un empoisonnement, que nous pensions d'abord survenu pendant le repas à la Galerie Tretiakov avant de l'attribuer à une glace achetée à un vendeur ambulant. Le médecin recommanda le maintien à l'hôpital pour la nuit. Je restai avec D. ; nous étions enfermés dans la chambre d'où nous avions une vue sur le parc Izmaïlovski, immense oasis de verdure dans Moscou, bordée de tours de béton de l'autre côté. Le soir, seules les infirmières nous rendirent visite et l'une d'entre elles me céda une partie de son casse-croûte avec gentillesse. Les lits étaient durs avec des tiges métalliques qui nous entraient dans la chair. Tôt dans la nuit un violent orage éclata : ce fut la fin de mon sommeil. Le lendemain, après deux nouvelles visites médicales, D. ne put sortir qu'en fin de matinée, encore affaiblie et indisposée. Malgré les désagréments, ce fut une expérience pleine d'enseignements de tester ce système somme toute plutôt efficace, avec ses jeunes médecins dévoués, à l'air compétent, et ses infirmières très chaleureuses sous un abord bourru. Cependant le fait d'être enfermé seul dans une chambre doit être particulièrement angoissant pour des malades déjà vulnérables.

Après sa sortie, D., une fois l'hôtel regagné, y resta jusqu'au soir alors que je fis une promenade sous la pluie vers la Loubianka.  

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15 novembre 2010 1 15 /11 /novembre /2010 17:03

Le monastère Novodievitchi, construit dans une boucle de la Moskova, présente un autre aspect de ces forteresses monacales qui semblent être le propre de la Russie. Entourée de fortes murailles, cette cité paraît échappée d'un autre monde pour être transplantée au coeur de Moscou. Comportant plusieurs églises et une cathédrale posées sur un tapis de verdure à côté des bâtiments conventuels, c'est un havre de paix dans la ville, à côté d'un parc et d'un vaste étang. La visite de ce monastère le même jour que le Kremlin nous subjugua. Il constitua pourtant une prison pour Sophie, la demi-soeur de Pierre le Grand, qui y finit ses jours.

A côté, le cimetière de Novodievitchi contient, dans un cadre paysager agrémenté de nombreuses statues, les tombes d'un grand nombre de personnalités, dont certaines furent exécutées sur ordre de Staline.

A proximité de Novodievitchi, au milieu d'un vaste campus, l'université Lomonossov est installée dans l'un des sept gratte-ciel, - les "sept soeurs" -, construits sous Staline à la périphérie du premier cercle de Moscou. En longeant la large avenue qui la borde en direction de la Moskova, nous gagnâmes le Mont des Moineaux, seul point qui nous offrit une vue dégagée sur la ville, quoique d'assez loin malgré tout. En descendant les allées escarpées du Mont, nous avons pu reprendre le métro.

Novodievitchi

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13 novembre 2010 6 13 /11 /novembre /2010 08:50

Le Kremlin, clou de toute visite à Moscou,  peut surprendre le visiteur non préparé. Il s'attend à voir le centre d'un pouvoir impérial ou révolutionnaire et il se retrouve à l'intérieur d'une sorte de Vatican hérissé d'une constellation de cathédrales et d'églises arborant fièrement leurs coupoles dorées. L'enceinte de brique rouge ponctuée de nombreuses tours donne à l'ensemble son aspect formidable. Face à l'entrée par la tour de la Trinité apparaît la seule véritable fausse note, le Palais national du Kremlin, parallélépipède de béton et de verre construit à l'époque de Khrouchtchev pour accueillir le 20ème congrès du Parti Communiste. Il n'existe pas de palais présidentiel : le Président a ses bureaux dans le bâtiment du Sénat, érigé sous Catherine la Grande, mais depuis Khrouchtchev il n'y réside pas. La visite passe d'ailleurs sans s'arrêter, à distance de ces bâtiments administratifs et officiels, dont certains ont pris la place de monastères détruits vers 1930. Notre guide Kristina nous conduisit bien vite vers la place des Cathédrales, en passant devant le "tsar des canons" et la "tsarine des cloches", énormes pièces purement décoratives, la cloche ayant d'ailleurs été fendue dès son inauguration. Sur la place se dresse tout un ensemble de constructions, dont les plus remarquables sont bien sûr les cathédrales, ainsi que le palais à facettes et le palais du Patriarche.

La Cathédrale de l'Assomption de la Sainte Vierge, la plus ancienne et la plus majestueuse, est celle que nous avons visitée en premier. Elle est considérée comme la cathédrale principale de la Russie : c'était le lieu du couronnement des tsars. Les fresques y sont admirables : il faut noter en particulier la fresque de la tendresse, sur la façade principale, qui montre l'enfant Jésus touchant le visage de la Vierge  de sa main et de son visage. C'est une scène typique de l'Eglise Orthodoxe, souvent reproduite dans les églises russes. Les autres églises et cathédrales, plus ou moins grandes, sont toutes superbes, comme le palais à facettes, du plus pur style Renaissance italienne, qui contient la salle du trône des anciens tsars, et la cathédrale de l'Archange Saint Michel, qui sert de nécropole aux premiers princes et tsars. Le caveau le plus remarqué est celui d'Ivan-le-Terrible qui, bien qu'il eût tué son fils dans un mouvement de colère, fut pardonné par le patriarche après s'être repenti, ce qui lui restitua son droit à reposer dans le lieu saint : aux puissants le pardon semble facile à obtenir, d'autant plus lorsqu'ils sont qualifiés de "terribles".

L'église de la Déposition de la Robe, construite au XVème siècle pour le métropolite de Moscou est la plus petite. Elle ne possède qu'une seule coupole, ce qui représente la majesté (trois coupoles signifient la Trinité, cinq le Christ avec les évangélistes, neuf les péchés de l'humanité et douze les douze apôtres). De la même façon, la couleur dorée d'un dôme symbolise le Christ, bleue la Vierge, verte la Trinité et noire l'obéissance des moines.

Le palais du Patriarche fut construit pour le patriarche Nikon au XVIIème siècle : celui-ci gouvernait pendant l'enfance du prince. La confusion entre fonction régalienne et fonction sacrée était forte, selon la tradition héritée de l'empire Byzantin. A l'intérieur un petit musée expose divers objets liturgiques du XVIIème siècle et des manuscrits. 

Les jardins aux vertes pelouses offrent de belles perspectives vers les fortifications et la Moskova. Ils permettent également de longer plusieurs palais, dont le Palais des Armures qui abrite une brillante collection d'objets d'art. 

Cathédrale de l'Assomption

 

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11 novembre 2010 4 11 /11 /novembre /2010 11:41

Après cette introduction, que faire ? Moscou est une ville trop vaste pour être appréhendée facilement et puisque, comme Paris, elle est concentrique, nous décidâmes de poursuivre notre exploration à partir du centre de la ville. Le quartier le plus ancien, qui jouxte la Place Rouge, est Kitaï-Gorod. Nous l'abordâmes par Teatralnaïa place, au fond de laquelle le Théâtre Bolchoï attend sous les échafaudages une rénovation qui traîne. En face, sur la place Revolioutsi, le monument dédié à Karl Marx nous ramène à l'univers soviétique. A ses côtés, l'hôtel Metropol a tous les atouts pour nous en imprégner, après avoir reçu Lénine et d'autres dirigeants bolchéviques, ainsi que nombre d'hôtes de marque du régime. Derrière l'hôtel demeurent des restes des anciens remparts de Kitaï-Gorod, d'une très grande épaisseur, que l'on traverse en empruntant le passage Tretiakov.

A partir de là le quartier dévoile ses richesses, la Cour des marchands, les églises, les bureaux de négoce construits au XIXème siècle. Aujourd'hui, la vie des affaires y a retrouvé un nouveau souffle dont rien ne dit vers quoi il s'oriente. Les employés s'y pressent, les policiers y filtrent les passages en raison de la visite de Barack Obama, et peu de touristes l'envahissent. Traversé par trois rues principales : Nikolskaïa, Ilinka et Varvarka, il s'étire au nord vers la Loubianka et à l'est vers Staraïa place. Ce qui est remarquable, c'est la profusion d'églises dans une capitale où la religion a été réprimée pendant des dizaines d'années. Rien que dans Varvarka oul., quatre églises se suivent, sur le même côté de la rue, séparées seulement par deux anciens palais. Ces églises russes, d'inspiration byzantine, sont généralement petites, surmontées de plusieurs dômes colorés. Face à elles, de l'autre côté de la rue, la Cour des marchands, bel édifice néo-classique, occupe un grand pâté de maisons entre Varvarka et Ilinka. Entre Varvarka et la Moskova, en revanche, une vaste zone en friche est née de l'espace libéré par la démolition de l'hôtel Rossïa : Moscou est ainsi ponctué de larges alvéoles en devenir, après la disparition de monuments emblématiques du régime communiste. Celle-ci est située à l'emplacement d'un ancien quartier populaire, jugé insalubre par les anciens maîtres du Kremlin. Une telle politique n'est pas l'apanage des régimes communistes : voir le quartier Beaubourg à Paris. La particularité locale tient à ce que les monuments prestigieux qui ont succédé aux destructions ont souvent eu une existence assez courte : pour l'hôtel Rossïa, une quarantaine d'années seulement.

Dans Bogoïavlenski pereoulok, petite rue perpendiculaire à Nikolskaïa et Ilinka, se trouve l'église du monastère de l'Epiphanie, qui tranche sur le style russo-byzantin des églises rencontrées jusque-là. Il s'agit d'une église de la fin du XVIIème siècle, construite dans le style baroque Narychkine, avec des murs roses soulignés par des décorations extérieures blanches très travaillées.

Autre caractéristique de ce quartier, bien qu'il borde aussi la Place Rouge, le Goum, grand magasin au style Art Nouveau assez exubérant, avec un intérieur formé de trois hautes et longues galeries éclairées par une grande verrière, et des mezzanines qui se rejoignent.  Kitaï Gorod

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