D'abord résidence d'été des tsarines, cette localité, englobée à Saint Pétersbourg, devint le domicile d'élection du dernier Tsar, dans le palais Alexandre, cadeau de Catherine II à son petit-fils. Pour nous y rendre, nous embarquâmes dans une marchroutka face à la station de métro Moskovskaïa. Ce minibus nous transporta, à travers des faubourgs ternes et un début de campagne, à côté de l'entrée du parc Catherine. La merveille du lieu est bien le palais Catherine, restauré à neuf dans sa longue façade baroque bleue, blanche et dorée. Le parc, à la française devant la façade, à l'anglaise en contrebas, présente des parterres rougeâtres avec des motifs gris devant les rangées d'arbres alignés et les canaux, ainsi qu'une multitude de statues et monuments inspirés de la Turquie, pour célébrer la victoire contre l'Empire Ottoman, et de l'Italie, en hommage aux architectes et artistes invités à construire le domaine, autour d'un étang ou dans ses îlots.
Tout cet ensemble est le pendant du faste du Palais d'Hiver à la campagne. Le domaine Alexandre en revanche, parc et palais, qui jouxte le parc Catherine, n'a pas encore bénéficié d'une rénovation, et ses longues allées droites délimitent des pelouses aux hautes herbes qui aboutissent, à travers des arbres non taillés, à la grille qui ferme l'accès au palais délabré. Parmi les bâtiments annexes, l'ancien lycée impérial où Pouchkine fit ses études motiva le choix du nouveau nom donné à ce faubourg.
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Ainsi Saint Pétersbourg, ville impériale, fruit d'une volonté politique défiant la rationalité géographique, demeure-t-elle un joyau incomparable, qui compense par sa splendeur les défis de sa situation et de son climat. Seule une ambition perpétuellement renouvelée peut lui permettre de maintenir son statut dans la compétition du monde post-moderne. Elle s'y emploie avec ardeur en mettant en avant les fastes de son artificielle beauté, soulignés par les variations extrêmes des saisons.
Cela ne doit pas occulter son aspect obscur, aujourd'hui personnifié par les bandes qui agressent les visiteurs, ni les contradictions qui ont marqué sa fondation de port pris par les glaces quatre mois par an, de capitale située à la marge d'un empire démesuré ou de cité d'aristocrates, de soldats et d'artistes totalement coupés des nécessités économiques.
La déchéance de son statut de capitale lui a fait perdre l'essentiel de sa raison d'être en 1918. Il reste à lui inventer un nouvel avenir : vaste programme.