La Baie d’Halong avec ses milliers d’îlots rocheux est un site incomparable. Embarqués dans l’un des nombreux bateaux de croisière au port d’Halong, nous avons commencé à naviguer par un temps gris et légèrement brumeux. Les falaises karstiques de chaque côté épousent des formes inattendues. Au début, les embarcations se suivent de près, avant de s’éparpiller dans les passages entre les différents îlots. Tantôt il semble que le bateau est près d’atteindre le rivage de la baie, tant les parois se rapprochent pour former un mur compact. Puis une mince ouverture apparaît, par laquelle s’engouffre notre bateau vers un mystérieux défilé, d’où nous sortons bientôt sur une vaste étendue d’eau. Quand nous avons accosté l’un des rochers et directement pénétré dans une grotte étroite, où un très mince boyau nous conduisit vers la lumière, au sommet de la roche, je me suis cogné le crâne au plafond très bas. Du sommet, nous avons découvert une vue dégagée sur une partie de la baie, précédée par une étendue de végétation foisonnante.
C’était le point extrême de la croisière. Le retour emprunta une route différente sous un pâle soleil, longeant une nouvelle débauche de formes rocailleuses. Nous rattrapâmes d’autres bateaux et dans des coudes étroits il fallut manœuvrer avec précaution pour ne pas heurter la pierre. Puis au fur et à mesure que nous approchions du port, la flotte se reconstituait dans sa masse compacte. Nous étions tous un peu hébétés de quitter ces visions étonnantes pour retrouver un port sans attrait. La calme splendeur de la Baie d’Halong la rend presque irréelle et, par contraste, elle confère au retour au monde ordinaire une tonalité vaguement déprimante.
Le lendemain matin, les nuages étaient bas au-dessus des sommets des îlots. Un pâle soleil peinait à les traverser, habillant la mer d’un reflet métallique sur lequel se détachait la masse sombre des rochers.
Sur la route, nous avons découvert les trois types de maisons vietnamiennes : la maison traditionnelle des campagnes avec son toit de chaume, sa grande pièce centrale où se trouve un autel, face à la porte, célébrant le souvenir des parents disparus, avec leurs photos et une ou plusieurs bougies allumées. De chaque côté il y a une chambre séparée de la pièce centrale par une tenture, l’une pour les hommes et l’autre pour les femmes. Les commodités, cuisine et salle de bains sont situées dans des bâtiments annexes.
Le deuxième type de maison est la maison « américaine », en vogue dans les années 1950 à 70. Il s’agît d’un parallélépipède de béton, au toit plat. Aujourd’hui elle est tombée en disgrâce. La vogue est à la maison « coloniale », qui imite les anciennes résidences coloniales par des balcons et terrasses à chaque étage, bordés de balustrades, soutenus par des colonnes et reliés par des escaliers extérieurs. Généralement, ces maisons comportent trois ou quatre étages pour fournir un logement à plusieurs générations de la famille, tout en maintenant un local professionnel au rez-de-chaussée. De façade étroite sur la voie publique, elles s’étendent en profondeur, pour réduire la taxe à payer sur la largeur occupée. Dans ce type de construction règne une exubérance de décoration souvent très kitsch. Chaque famille tient commerce au bord de la rue ou de la route, contribuant à l’animation du quartier et au développement d’une économie basée sur le petit commerce et l’artisanat.
Le moyen de transport le plus courant est le cyclomoteur sur lequel tout peut être transporté : meubles parfois encombrants, matériaux divers, animaux, y compris un porc vivant attaché sur le porte-bagages du cyclomoteur, enfants de tous âges. Pour les adultes le port du casque est obligatoire.
Les abords des rues et des routes sont généralement encombrés de détritus, et les marchés semblent s’improviser selon la commodité : les paysannes vendent les fruits et légumes sur la place d’un village, ou au bord de la route qui longe les champs, à leur convenance. La culture dominante est toujours le riz, qui occupe surtout les femmes à repiquer les plants, les pieds dans l’eau. Les hommes se chargent plutôt de sarcler le fond des rizières avec une antique charrue traînée par un buffle. La condition paysanne reste la plus dure qui soit ; elle tend à se réduire au fil du développement du pays.
En route vers Hoa Lu, nous avons visité la pagode Pho Minh, beau monument tout en hauteur avec de multiples petits balcons sur tout le pourtour de cette mince tour. Celle-ci se trouve au fond d’un jardin qui abrite aussi des massifs de fleurs, des bassins et quelques constructions annexes.
A proximité de Ninh Binh, Phat Diem est le siège d’une étrange cathédrale catholique construite à la fin du XIXème siècle dans le style vietnamien, sous la direction du Père Six, prêtre vietnamien enterré dans l’enclos de la cathédrale. Le bâtiment principal est construit en pierre avec des troncs d’arbre massifs pour soutenir la voute. Toute la décoration est entièrement asiatique. En dehors de la cathédrale proprement dite, nombre de bâtiments sont alignés de façon à préserver une harmonie d’ensemble. Ils contenaient un séminaire et plusieurs chapelles. Les murs latéraux de certains d’entre eux sont en bois. Les tours et clochers sont surmontés de lanternes similaires aux temples bouddhistes, dont seule la croix et les statues de saints les distinguent. De nombreux fidèles assistaient à la messe du soir. L’intérieur, éclairé par quelques ouvertures latérales est assez sombre. La ferveur était perceptible.
A Tam Coc, plusieurs hôtels récents permettent un afflux de visiteurs. Certains d’entre eux parviennent au paroxysme du style néocolonial, avec un empilement de colonnes, de terrasses et de balustrades sur huit à dix étages. Ils dominent une rue centrale bordée de boutiques.
Le paysage alentour est la « Baie d’Halong sur les rizières ». Comme dans la baie, d’énormes formations rocheuses surgissent d’une mer de verdure, cette fois. A quelques kilomètres, parcourus en vélo sur un terrain plat, en contournant les rizières et les roches, se trouve la pagode de Bich Dong, aménagée dans des grottes naturelles, auxquelles on accède par des escaliers creusés dans la roche. Devant l’entrée, un joli parvis entouré de parapets décorés a été aménagé. Trois courtes colonnes portent des foyers où brûle l’encens. Une jeune bonzesse nous introduisit dans le sanctuaire et nous fournit des informations sur son fonctionnement et sur la vie qu’elle menait sur place en compagnie de quelques consœurs. Leur quotidien est fait de prière et de méditation ; les conditions d’habitation sont sommaires, la nourriture frugale ; le célibat est de rigueur. Malgré toutes ces contraintes, notre jeune guide paraissait particulièrement épanouie.
De retour au village, nous avons embarqué dans une barque plate sur la rivière Ngo Dong pour la visite des trois grottes (traduction de Tam Coc). Au départ, une jeune fille ramait sur cette rivière paisible ; puis elle fut rejointe par son père, qui la remplaça. La barque traversa les trois grottes, dont la première a une longueur de 127 mètres. A l’entrée et à la sortie, l’ouverture est très basse et comporte des excroissances rocheuses qui nous obligeaient à baisser la tête. La promenade eût été enchanteresse si la jeune fille n’avait tenté à toute force de nous vendre des broderies, que nous ne désirions pas acquérir, avec une insistance assez désagréable.
Hoa Lu est le site de l’ancienne capitale du Vietnam, fondée sous la dynastie des Dinh, après la reconquête du pays contre les Chinois. Il reste des vestiges de l’ancienne citadelle et deux temples, l’un consacré à Dinh Tim Huang, le vainqueur des Chinois, et l’autre, nommé Le Dai Hanh, honore la dynastie des Le, qui succéda aux Dinh. Le paysage en ces lieux reste spectaculaire et tourmenté.