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10 septembre 2012 1 10 /09 /septembre /2012 21:35

 

Quatre générations sous un même toit est un immense roman fleuve qui évoque la vie à Pékin après l’invasion japonaise de 1937. En nous présentant les habitants de la ruelle du Petit-Bercail, Lao She nous fait découvrir les relations sociales des familles chinoises, dont la plus emblématique, la famille Qi, réunit quatre générations, depuis le grand-père, son fils Tianyou avec sa femme, ses trois petits-fils Ruixuan, Ruifeng et Ruiquan, les épouses des deux premiers, et les enfants de Ruixuan.

 

Dans cette ruelle du vieux Pékin, avec ses cours et ses maisons traditionnelles, cohabitent un bon nombre de familles, très modestes pour la plupart. Les relations de bon voisinage vont être troublées par l’attitude des habitants vis-à-vis de l’envahisseur. Tous les degrés de la résistance, de la passivité et de la collaboration s’opposent, tout en laissant place à une existence régulée par les règles sociales et la coutume, en apparence.

 

Cette coexistence policée disparaît lorsque le plus infâme traitre de cette galerie dénonce aux Japonais l’un de ses voisins, Qian Moyin, comme résistant. Celui-ci, homme mûr qui s’adonne à la poésie, féru de littérature et de peinture est le plus modeste et le plus courtois des habitants de la ruelle du Petit-Bercail. A l’occasion du premier acte de résistance active exécuté par son second fils, de l’internement du poète et des tortures qu’il subit, l’auteur nous décrit minutieusement son évolution vers une opposition radicale et armée à l’envahisseur. Ce personnage devient ainsi le plus exceptionnel du roman, se réjouissant de l’acte superbe de son fils mort en héros en éliminant tout un groupe de soldats japonais, supportant la torture, se transformant après sa sortie de prison en guerrier indomptable qui va seul combattre l’ennemi et chercher à enrôler d’autres paisibles citoyens dans la résistance active. Il s’agit d’une figure extrême qui parcourt tout le spectre de la paix à la guerre, en venant à accomplir les coups de main les plus audacieux.

 

Dans le registre opposé, le couple des collaborateurs qui l’ont dénoncé personnifie la pire des turpitudes, alors que Qi Ruixuan, professeur conscient de la réalité, s’efforce de soutenir sa famille sans compromission, mais souffre de ses difficultés à s’engager dans une résistance active. Naturellement, dans cette période tragique, toute cette dialectique du bien et du mal est manipulée par les occupants japonais, décrits comme inhumains, sanguinaires et stupides en même temps. La cruauté japonaise s’oppose à la civilisation plurimillénaire de la Chine, dont les habitants, à Pékin notamment, sont pris au dépourvu devant tant de violence. Lao She nous montre la diversité de cette population avec ses modestes artisans et petits commerçants qui savent rester dignes face à l’adversité. De ce point de vue, l’ouvrage rappelle les romans classiques à la Dickens, qui donnent vie à tout un peuple de misère, gagnant chichement de quoi subsister par des petits métiers. La plupart de ces personnages sont empreints d’une grande humanité, cherchant le plus souvent à aider leurs voisins et à se maintenir en vie les uns les autres. La civilisation dont ils sont issus ne leur a pas enseigné l’esprit de conquête et il est difficile pour eux d’envisager de s’organiser pour résister. De très nombreux habitants subissent donc passivement l’élimination programmée par les Japonais. Seuls quelques caractères bien trempés sont capables de s’engager dans la lutte. Néanmoins, l’auteur montre qu’au fil des huit années d’occupation, parallèlement à la dégradation des conditions de vie, un sursaut moral de la population à bout de force, victime de la famine programmée par l’envahisseur, finit par naître et se propager.

 

 

Autre article sur  Lao She : Le Pousse-pousse – Lao She

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